Yoga Architecture

Voici un compte-rendu de l’atelier de « Yoga architecture » que j’ai animé le 16 décembre 2018 à la Cité de l’architecture et du patrimoine intitulé « L’axe central n’est pas une colonne ». D’autres ateliers sont déjà programmés. Au plaisir de vous y rencontrer.

Pourquoi un atelier de Yoga architecture ?

A la demande de la Cité de l’architecture et du patrimoine, je propose une série d’ateliers de « yoga architecture ». Dans le cadre inspirant du musée, c’est l’occasion d’explorer l’architecture vivante du corps humain. Le yoga invite à davantage de conscience des ajustements corporels. Ils sont mis en jeu pour s’assouplir, changer de forme, créer des postures, maintenir l’équilibre. Quel délice de dévoiler la façon dont notre anatomie nous porte, nous tisse, nous construit…

« Toute maison est une contrefaçon maladroite mécanique, embarrassante, et trop compliquée du corps humain »

Frank Lloyd Wright, architecte

L’axe central n’est pas une colonne… alors c’est quoi ?

En guise d’introduction, j’exclus d’emblée l’idée d’un axe figé comme une vérité ou inflexible comme une colonne. Différentes structures anatomiques viennent nourrir l’idée d’un axe vertical dans le corps. Elles dialoguent entre elles et organisent notre métabolisme, nos perceptions et notre posture. Elles sont vivantes et soutiennent de façon variée notre relation à la gravité.

L’axe vertical

Tous les systèmes anatomiques s’organisent selon un axe vertical (nos muscles, notre squelette, notre système nerveux, notre système digestif, respiratoire, notre circulation sanguine…) Ce n’est pourtant jamais droit : plus ou moins vers l’avant, l’arrière, légèrement décalé sur la gauche, en courbe, plus ou moins long…

De mon expérience, ces axes se soutiennent les uns les autres, et équilibrent la perception. Mon tube digestif soutient ma colonne, ma colonne soutient mon tube digestif, qui est soutenu par mes artères et mon système nerveux central, etc…

L’expérience architecturale

Dans le musée, la hauteur de plafond, les différentes pièces architecturales qui jalonnent la grande galerie ont aidé à sentir la richesse de la notion d’axe en architecture. Nous l’avons traversée avec ce focus :

Quelles lignes organisent ma compréhension du lieu ? Comment suis-je soutenu dans mes perceptions par les axes lointains, proches, petits, grands… ? Est-ce que je sens un dialogue opérer entre l’axe de ma verticalité et ceux que je perçois autour de moi ?

Après cette inspiration architecturale, nous échangeons avec les participants : Qu’est-ce que l’axe pour le yogi selon vous ?

  • Se sentir axé, aligné qu’est-ce que c’est ? Sentir que tout est à sa place, bien organisé, de façon efficiente, un rapport équilibré entre toutes les directions…
  • Quelqu’un de désaxé est–il « déraisonnable » ? L’importance de différencier l’axe créé par mon expérience intime et celui intégré par une forme imposée par la société (« tiens-toi droit », « avoir de la carrure », etc.). Quelqu’un de désaxé pour la société est peut être axé dans son expérience et vice versa… Difficile à discerner.
  • Un axe peut être aussi horizontal : en effet, je ne suis pas obligé de m’organiser selon la verticalité… ou bien si, physiologiquement ? L’axe vertical est sans doute une particularité humaine. Quelle est ma liberté dans le choix de mon organisation ?
  • Axe infini ? La longueur de mon axe conditionne peut-être l’amplitude de mon champ perceptif. Dans le métro, il m’est utile de réduire mon champ perceptif alors qu’à la Cité je peux l’ouvrir. Comment l’axe autour duquel je m’organise s’adapte ?

Les problématiques de l’atelier sont posées. Nous pouvons commencer à explorer dans le mouvement, l’alignement central autour duquel les perceptions et les forces s’équilibrent et s’organisent.

L’expérience somatique de l’axe du corps

Pour partager cette expérience, nous avons commencé par réveiller l’intelligence de l’organisation fascia-musculo-squelettique. Celle-ci est symétrique de part et d’autre de la colonne vertébrale et elle est directement liée à notre proprioception : notre sens de nous-même dans l’espace.

C’est donc un système que nous sollicitons largement quand nous voulons corriger notre posture, nous remettre droit, nous grandir, rétablir une symétrie dans notre posture, équilibrer les tensions de part et d’autre. Et pour cause, nous avons un feedback direct de l’action de nos muscles, il suffit de se concentrer.

Ce n’est pourtant pas si simple. D’abord nos muscles dits « profonds »  ou « posturaux », ceux qui ajustent de façon très fine l’alignement de nos vertèbres par exemple, sont comme muets derrière le flot d’informations des actions des grands muscles dits « superficiels ». Il est donc assez difficile d’avoir consciemment un impact sur l’alignement profond. Autre paradoxe, c’est un axe dont la beauté est son aspect mobile, souple, flexible. A trop vouloir l’équilibre parfait à travers les grands muscles, on risque de perdre cette fluidité.

Exploration à deux : l’un propose différentes impulsions périphériques pour désaxer son partenaire qui a pour consigne de toujours retrouver son axe par la proprioception, de rester sur ses deux pieds et de fermer les yeux. Dans un deuxième temps, il reçoit des petites pressions sur la colonne pour un ajustement plus fin. Ensuite, son partenaire place une main sur la base du crâne et l’autre sur le sacrum. Il s’agit de sentir la mobilité de la colonne entre ses deux extrémités – dans la marche par exemple. Pour finir, les deux partenaires se mettent dos à dos pour échanger du poids et donc moduler la tonicité des muscles grâce au support du partenaire.

Nous nous sommes ensuite intéressés au système nerveux. Il s’agit de penser en flux. Le système nerveux central (cerveau, moelle épinière) peut être considéré comme un continuum souple et fluide (par opposition à la segmentation par vertèbres, ou par muscles).

Exploration à deux : Faire un enroulé de la colonne en laissant le poids du cerveau guider le mouvement. Dérouler le dos, en laissant la moelle épinière couler vers le sacrum.

Cet exercice simple donne une grande assise à l’arrière du corps. La colonne est soutenue par la moelle. Les perceptions aussi.

Nous avons ensuite invité le support des axes organiques (appareil digestif, respiratoire, cardiovasculaire) à l’avant de la colonne. Il suffit d’avaler consciemment sa salive pour sentir son œsophage, l’axe du tube digestif. Pour le reste, les planches anatomiques et quelques explications physiologiques soutiennent notre attention dans ces explorations. Chaque système amène une qualité de conscience particulière. Il ne s’agit plus d’être « concentrés » mais d’inviter une conscience à se révéler.

Un équilibre s’établit alors dans le corps entre l’espace arrière et l’espace avant d’une part, entre l’ancrage et l’élévation d’autre part, et enfin entre la gauche et la droite.

Témoignage d’un participant :

« Je souhaitais vous remercier pour votre accueil et vous faire part de mon avis personnel concernant le stage animé par Aurélie Delarue. J’ai apprécié l’approche à la fois originale et exigeante sur le plan intellectuel de cette intervenante.  Dans le cadre exceptionnel de votre musée et des impressionnantes pièces de notre patrimoine architectural qui y sont exposées, Aurélie a réussi à solliciter notre réflexion de manière collective sur la manière dont nos perceptions s’organisent et s’équilibrent dans l’espace autour de différents axes (nerveux, sanguins,…). S’il manquait peut-être un peu plus de postures de yoga, ce stage de qualité m’a marqué parce qu’il m’a permis de m’approprier des éléments anatomiques et de les intégrer dans ma pratique personnelle. A l’écoute et bienveillante, Aurélie n’en reste pas moins rigoureuse et les informations qu’elle nous a transmises nécessitent également de faire leur chemin (il m’a fallu un recul de quelques jours pour m’apercevoir de la richesse de ce stage). 

N’hésitez pas à publier mon avis. Merci encore. »

Mathias

Comment cela influe-t-il sur ma façon de me relier au monde, aux autres ?

La galerie de la Cité offre d’autres ressources. Les statues médiévales s’expriment chacune dans une posture différente. Il est intéressant de les regarder avec cette nouvelle conscience de sa propre organisation interne : comment est-ce que je résonne avec les statues ?

Et en Yoga ?

Nous nous retrouvons enfin pour une pratique de yoga avec l’idée de sentir comment nos axes dialoguent, entraînent le mouvement et soutiennent notre rapport au proche, au lointain, à la terre et à l’espace.

A chacun son axe

La beauté de cet atelier réside dans sa finesse et sa profondeur :

L’axe est hautement intime, c’est mon organisation et mon rapport au monde qui sont en jeu. Amener de la conscience à cet endroit élargit l’espace du choix.

En prenant conscience des structures physiologiques qui guident le métabolisme, je permets à mon système nerveux d’ancrer son attention autrement. C’est sans nul doute, un des grands voyages perceptuel du yogi ! Et pourquoi pas de l’architecte !

Ce jour là, à travers les immenses vitres de la Cité, le brouillard cachait le tiers supérieur de la Tour Eiffel… une belle image. Un axe ne dévoile pas toujours sa magnitude. Mon système nerveux est capable d’en reconstruire l’image mais mes perceptions ne sont pas soutenues de la même façon. De la même manière, imaginer mon axe sera beaucoup moins soutenant et organisateur que de le sentir. Alors même s’il est impossible d’être exhaustif, c’était bien l’objet de cet atelier.

Je remercie la Cité et les participants.

Au plaisir de vous retrouver pour les prochains.

Informations pratiques

Cité de l’architecture & du patrimoine
1 place du Trocadéro et du 11 novembre, Paris 16e
Métro Trocadéro

  • Infos
  • Réservation : groupes@citedelarchitecture.fr
  • Informations : 01 58 51 50 19

Pour adultes :

  • Pas de niveau requis
  • Prévoir une tenue confortable
  • Tapis de yoga fournis